« Ma vie est un miroir brisé en millions de morceaux. Les fragments minuscules sont des souvenirs heureux longtemps oubliés… Et le reste n’est que douleur et torture dans mon coeur. »
C’était pourtant une vie anodine.
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« Je suis comme Icare. »
Allongée sur son ventre, les habits déchirés, elle leva sa main vers la Lune spectatrice ; Elle seule, Témoin de ses larmes et de sa souffrance.
« Je suis brûlée… destinée aux Ténèbres. Plus jamais je ne pourrais voler de nouveau. »
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An 200 avant Jésus-Christ ; sur une vaste étendue de terre, de montagne et de plaine, au large des côtes Pacifique : un immense royaume puissant vu enfin naître la descendance royale tant attendue du vingt-huitième Empereur ainsi que de la Reine. L’heure était au réjouissance mais également à la désolation, le premier né n’était autre qu’une fille aux tendres joues roses et aux yeux bleus comme l’Océan le plus sombre. Cette enfant était L’héritière légale jusqu’à ce que son épouse mette au monde un garçon, l’Empereur ne pouvait la destituer au profit de ses nombreux fils engendrés avec ses concubines. Il n’avait d’autres choix que d’espérer trouver un bon parti ou obtenir un fils dans les années à venir…
On baptisa l’enfant “天莉丝”– Tiān Lìsī, signifiant littéralement «
Lys Céleste » – dans l’espoir qu’elle ait la grâce divine mais également la beauté du lys pure.
An 192 avant Jésus-Christ ; le bambin grandit sereinement dans les années suivant sa naissance, elle était pleine de grâce et de bonté mais aussi fougueuse qu’un tigre et impulsive d’un dragon. C’était une force de caractère indomptable, enclencheur de nombreuses bêtises qu’elle put faire au court de ses huit dernières années. Néanmoins, on lui pardonnait tout ; son sourire innocent était une source de bonheur pour tous ceux qui avaient l’occasion de rencontrer la Princesse.
An 190 avant Jésus-Christ ; néanmoins, aux fils des années, Tiān Lìsī éprouvait une vive douleur au fond de son coeur dû au rejet de ses parents quant à son sexe. Plus elle grandissait, plus sa liberté s’échappait. Dans cette même année, l’Impératrice mis au monde son deuxième enfant qui était également une fille ; l’Empereur désespérait, sa femme allait bientôt atteindre l’âge maximal pour enfanter et n’avait toujours pas donné d’Héritier masculin. Suite à quoi, l’insouciance disparut petit à petit pour ne laisse place qu’à une jeune fille mâture et responsable : dès l’aube de son dixième anniversaire, on exigea dès qu’elle se comporte comme une personne digne de son rang, multipliant ainsi les cours et les professeurs.
An 187 avant Jésus-Christ ; alors que Tiān Lìsī avançait progressivement vers l’âge de la majorité, elle rencontra un jeune garçon devant à peine avoir onze ans. Ses traits étaient encore fin, ses cheveux dépassant à peine ses épaules et ses habits laissaient à penser qu’il devait appartenir à la garde – probablement un jeune nouveau soldat. La jeune fille était désireuse de faire sa connaissance, une nouvelle tête à découvrir. Malheureusement celui-ci s’enfuit avant qu’elle n’ait pu lui dire quoi que ce soit.
Tiān Lìsī apprit au détour d’une conversation qu’il faisait effectivement parti de la garde impériale – malgré son jeune âge –, mais qu’il était aussi fils du Général des armées. Elle le revint plusieurs fois au détour des couloirs, sans jamais lui parler ; c’était un garçon curieux qui manquait parfois à son devoir pour lire. Tiān Lìsī profita de ce moment d’égarement pour aller l'aborder : bien vite, elle se lia d’amitié avec le garçon nommé Hēi Lóng, lui apprenant au passage l’art de la calligraphie et du Koto.
An 185 avant Jésus-Christ ; Tiān Lìsī atteint bientôt l’âge de rencontrer son futur époux. Son apprentissage était ainsi presque terminé : elle était devenue une jeune fille élégante, raffinée et cultivée. L’histoire de ses ancêtres n’avait plus de secret pour elle, autant qu'être futur Impératrice mais également le secret d’une bonne épouse. Conformément aux attentes de son père, Tiān Lìsī se moula parfaitement dans ses exigences, elle n’opposa aucune résistance.
En parallèle, la jeune fille entretenait une relation à la frontière de l’amour avec Hēi Lóng, devenant de plus en plus proche. Ils multipliaient les rendez-vous à l'abri des regards indiscrets sans pour autant se toucher. Ni l'un ni l'autre ne connaissait la douceur de la peau.
Plusieurs mois plus tard, elle rencontra donc l’homme à laquelle elle était promise. Yuán Shù – âgé alors de vingt Lune – était un homme fort et beau, il était générale des armées de son royaume : un parti idéal pour reprendre le pesant flambeau de la royauté. Tiān Lìsī trouvait sa compagnie agréable, il était attentionné et lui partageait sa culture ainsi que ses connaissances. Mais ses pensées se tournait souvent vers Hēi Lóng, son seul ami, pour qui elle éprouvait des sentiments contraires aux règles de son Père.
Contre toute attente, en cette fin d’année, l’Impératrice mis finalement un monde un fils en bonne santé – avant de décéder. La venue de son héritier força Tiān Lìsī a avancé son union avec Yuán Shù afin de toujours bénéficier des alliances des deux royaumes.
An 183 avant Jésus-Christ ; après avoir passé deux ans en dehors de son royaume, une majeure partie auprès de Yuán Shù, Tiān Lìsī retourna chez elle en vue de préparer le mariage qui aurait lieu à ses dix-huit ans.
Ses premières occupations furent de retrouver Hēi Lóng. Ce dernier n’était plus l'adolescent d'autrefois mais bel et bien un jeune homme, promu garde impérial, tenu de surveiller Tiān Lìsī elle-même. Il avait changé non seulement physiquement mais aussi moralement. Leur lien d’amitié ne semblait plus exister, ce temps était révolu. La jeune femme ne laissa rien paraître de sa tristesse, cela représentait une aubaine pour oublier les douleurs qui poignardaient son coeur : elle se concentra donc corps et âme pour faire abstraction de ses sentiments mais également du reste.
L'heure fatidique approchait à grands pas et ses craintes s’amplifiaient à l’idée d’épouser un homme qu'elle n'aimait pas. Profitant du calme de la nuit et du vent d’été, la jeune femme réfléchissait à son avenir : Yuán Shù était certes un homme bon, beau et puissant mais cela ne changeait rien à ses sentiments. Tiān Lìsī relativisa, elle avait toujours su se conformer aux attentes... elle n'aurait donc aucun mal à oublier. Son futur époux aurait ses concubines tandis qu'elle resterait enfermer dans sa chambre, seule, après lui avoir donné un fils. C'était un avenir radieux en effet.
Elle aurait voulu fuir, être une autre personne. Elle n’avait plus aucun ami, famille, plus rien.
Faible et désespéré, Tiān Lìsī fléchit et se laissa choir à terre pour extérioriser les larmes retenues depuis bien trop longtemps. Des bras robustes entourèrent son frêle corps, lui offrant protection et soutien, elle sut qu'il s'agissait de Hēi Lóng lorsqu'il murmura son prénom aux creux de son oreille. La jeune fille se retourna puis tomba dans ses bras pour se réfugier à l'intérieur de sa chaleur réconfortante, elle serra de toutes ses forces les pans de ses habits tandis que le garçon ne cessait de l'apaiser. Le soldat releva doucement son visage avant d'y apposer ses lèvres pour sécher ses pleures. Leurs regards se croisèrent de nouveau, quelle folie les avaient possédés ? Tiān Lìsī s'abandonna tandis que son amant mordit son cou délicat... Seule la Lune fut témoin ce jour-ci.
An 182 avant Jésus-Christ ; leur liaison ne fut pas caché longtemps et ils furent rapidement dénoncer. Tout cela contrarié terriblement l'Empereur, l'alliance qu'il avait conclu avec le royaume voisin allait perdu par un béguin !
Hēi Lóng fut condamné à la peine de mort pour trahison et abus de pouvoir. Tiān Lìsī supplia son père de libérer son amant, échangeant jusqu'à sa propre vie pour lui mais celui-ci, fou de rage, ordonna qu'on punisse sa fille également. Elle reçut des coups de fouet et jugeant que ce n'était pas assez pour pardonner sa désobéissance, on marqua au fer rouge le sceau royale : "Tu es ma fille et ta vie m'appartient, souvins-t'en."
Dans la foulé, Yuán Shù fut malheureusement mis au courant par une servante. Il se rendit rapidement chez sa futur épouse et désireux de s'entretenir avec elle-seule, il ordonna aux dames et aux gardes de partir. Il n'y avait désormais plus aucune personne pour sauver Tiān Lìsī de la rage naissance du Prince. Elle n'avait plus aucune force pour se débattre et protester... Dans un excès immense, Yuán Shù saisit la jeune femme et déchira ses vêtements jusqu'à humilier celle-ci, elle se débattait comme elle pouvait, en vain. Il s'empara de la femme avant de la laissait à terre comme un vulgaire cadavre...
Hēi Lóng fut exécuter la veille des noces. Tiān Lìsī plongea dans un désespoir son nom. Sa mort accéléra ses instincts primitifs de chasseuse, libérant le vampire jusqu'alors tenu secret. Sa constitution solide et sa bouillonnante rage augmentèrent son désir de vengeance. Elle tua en premier sa propre famille, puis un à un, décima également la famille de Yuán Shù sous ses yeux. La jeune femme réduit son peuple à l'état de cendre jusqu'à n'être que la dernière de sa Dynastie.
An 1300 après Jésus-Christ ; de nombreuses années passèrent et Tiān Lìsī errait toujours sans réel but. Les paroles de Hēi Lóng ne cessait de résonner et de ce répercuter à chaque écho de son corps : « Nous serons ensemble pour l’éternité. », désormais elle était seule pour l'éternité.
An 1401 après Jésus-Christ ; Tiān Lìsī abandonna son nom origine pour se faire baptiser « Lilium ». Elle expérimenta également les plaisirs de la vie, tentant vainement d'oublier ses origines.
An 1483 après Jésus-Christ ; En suivant quelques consœurs, elles lui indiquèrent un endroit différent de la Terre. Qu'avait-elle à perdre ? Plus rien ne la retenait ici. Elle s'engouffra donc dans le portail menant à Erèbe... espérant mettre un terme à sa souffrance...